Retraités français au Portugal : pensions bloquées sans explication
Matthew Bennett / Unsplash
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Tous les ans, les caisses de retraite françaises sollicitent le certificat de vie des 200.000 retraités qui se déclarent résidents au Portugal afin de leur verser leur pension. Un document qui doit être tamponné auprès de la Junta de Freguesia et remis par Internet ou par voie postale. Mais alors qu’ils l’ont envoyé dans les temps, cette année certains retraités se sont retrouvés sans pension et sans explication. Rencontre avec deux d’entre eux.

Le certificat de vie est un document essentiel pour les retraités expatriés afin de recevoir leur pension française dans leur pays de résidence. Les résidents au Portugal doivent le faire tamponner auprès de la Junta de Freguesia de leur domicile une fois par an et le remettre via Internet ou par voie postale au Centre de traitement retraite à l’étranger. Selon l’Union Retraite, il y a actuellement 200.000 retraités qui se déclarent résidents au Portugal. Cependant, ces derniers mois beaucoup d’entre eux ont vu le versement de leur pension être suspendu sans explication.

Pension bloquée depuis 3 mois

Daniel Brifflot est un retraité français de 68 ans. Cet ancien commercial de la région parisienne s’est installé à Armação de Pêra, en Algarve, pour des raisons de santé, il y a bientôt trois ans. Alors qu’il a envoyé le certificat de vie dans les temps, le versement de sa pension est bloqué depuis le 3 mars. Début avril, il contacte la Caisse d’Assurance Retraite et de Santé Au Travail (CARSAT) pour savoir ce qu’il en est et découvre que son certificat de vie a été considéré illisible. Mais alors que l’Union Retraite affirme que « le dispositif prévoit l’envoi d’un courrier quand le certificat de vie fourni ne convient pas, pour demander au retraité d’en envoyer un autre », Daniel Brifflot assure que cela n’a pas été le cas. « Je n’ai rien reçu pour me prévenir. Ni appel, ni email, ni courrier. J’ai dû moi-même faire les démarches pour comprendre ce qu’il se passait », explique-t-il. Depuis, le retraité français a envoyé un nouveau certificat de vie, mais la situation est toujours bloquée. « Je n’ai aucune nouvelle. Rien n’a changé depuis le 3 mars », se lamente-t-il. Ce qui le surprend le plus est l’absence de communication et l’impossibilité de contacter le Centre de traitement retraite à l’étranger. « Aujourd’hui, ma retraite dépend d’un centre qui a le droit de véto, mais qui n’a aucun moyen de contact à part par voie postale. Pas de numéro de téléphone ni d’email. Je ne peux pas intervenir ».

Même constat pour Françoise Bonne, installée au Portugal depuis cinq ans. Alors que cette retraitée de 73 ans a bien envoyé son certificat de vie dans les temps, le paiement de sa retraite est bloqué depuis le mois de février. Et contrairement à la procédure que l’Union Retraite affirme avoir mise en place, elle garantit n’avoir reçu aucun courrier pour la prévenir de la suspension du versement. Encore plus surprenant, son mari continue de recevoir sa retraite alors qu’ils ont suivi exactement la même démarche. « On a tous les deux fait tamponner notre certificat de vie respectif à la Junta de Freguesia de Parede, par la même personne, mais seulement le mien pose problème ». Pour essayer de régler cette situation, Françoise Bonne a envoyé une lettre de réclamation au Centre de traitement retraite à l’étranger le 18 mars, en joignant en copie les deux certificats de vie envoyés ainsi que les deux accusés de réception. Presque deux mois plus tard, la retraitée française n’a obtenu aucune réponse. Confrontée à ces témoignages, l’Union Retraite a répondu qu’« un formulaire de contact centralisé dédié à ces réclamations sera mis en ligne d’ici fin mai » pour améliorer leurs services. Les conséquences de l’absence de versement sont lourdes : Daniel Brifflot avoue avoir dû annuler un rendez-vous médical. Mais les séquelles sont également morales. « Ma tension n’a cessé d’augmenter ces derniers temps. Tous les jours j’attends impatiemment un email ou un appel pour me dire que la situation a été débloquée », conclut-il.

Demande d’automatisation à l’Assemblée portugaise

Afin d’éviter ces situations, certains pays d’Europe facilitent l’échange avec l’administration française et les retraités expatriés ne sont plus dans l’obligation de fournir le certificat de vie. Cet état de fait est rendu possible par une convention mise en place par la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse (CNAV) qui permet un échange automatisé d’informations de décès entre les différents services. Le premier pays ayant signé cette convention est l’Allemagne en 2015 et depuis d’autres pays ont suivi ses pas : la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, l’Italie et la Suisse. Mais le Portugal ne figure toujours pas sur cette liste. Une situation que Laurent Goater, conseiller des Français de l’étranger, déplore. « Il y a moins d’ayants droit en Allemagne et pourtant c’est déjà le cas. Il n’y a pas de raison objective de le faire avec l’Allemagne et de ne pas le faire avec le Portugal. Ça fait des années que je demande que ce soit le cas ». Interrogée sur cette possibilité, l’Union Retraite déclare que « nous n’avons pas de visibilité sur le calendrier pour le Portugal ».

Le jeudi 6 mai, Carlos Gonçalves, député des Portugais en Europe, a interpellé le gouvernement portugais à l’Assemblée nationale afin de rendre cet échange automatique une réalité. « Le gouvernement portugais doit réagir, ou du moins il devrait le faire. Mais je pense qu’il le fera et s’il réagit positivement, tant mieux. Ce serait un grand atout pour tout le monde », affirme le député portugais. En effet, cette mesure aura un impact non seulement sur les retraités français résidents au Portugal, mais également sur tous les retraités portugais qui ont travaillé et cotisé en France pendant de nombreuses années et qui résident désormais au pays. « Je rencontre beaucoup de Portugais pendant ma campagne et ils viennent tous me parler de ça », évoque Laurent Goater. « Les solutions pour les retraités portugais sont moins faciles à trouver. Parce que les mairies portugaises n’ont pas la connaissance du système français et ne comprennent pas forcément le français. Ce serait beaucoup plus simple pour tout le monde de le rendre automatique », constate le conseiller des Français de l’étranger.

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