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Hélène Farnaud-Defromont, ambassadrice de France au Portugal

par Adriana Dopio
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Arrivée au Portugal le 5 septembre 2022, Hélène Farnaud‑Defromont est une épicurienne, polyglotte,
grande lectrice, admiratrice des tubes de David Guetta et friande de Paris‑Brest. Rencontre hors des
sentiers battus.

Depuis quand êtes-vous en poste à Lisbonne ?

Je débute ma troisième année au Portugal. Avant Lisbonne, j’ai été nommée à Bruxelles, où j’ai occupé mon premier poste d’ambassadrice après une longue carrière diplomatique en Grèce, en Jordanie, à Paris au ministère des Affaires étrangères ou encore à la tête de l’agence pour l’enseignement du français à l’étranger (AEFE), qui supervise les écoles et les Lycées français dans le monde. Cette mission a été un moment fort de ma carrière.

Combien y a-t-il de Français au Portugal ?

Sur le registre des Français répertoriés au consulat, nous avons vingt mille personnes inscrites et parmi eux 25 % de binationaux. Mais ce chiffre ne reflète pas toute la réalité. En tenant compte des données recueillies par les autorités portugaises, dans les freguesias et autres municipalités, nous estimons entre 50 et 60 000 le nombre de Français répartis, assez équitablement, sur l’ensemble du territoire et les régions autonomes de Madère et des Açores. Même si Lisbonne, Porto et l’Algarve restent en tête, des Français se sont installés dans la plupart des petites et moyennes villes de la côte Atlantique, mais aussi dans les terres.

Quel est le profil de la communauté française ?

Elle est clairement en augmentation. Nous le constatons dans les registres du consulat, mais aussi par les demandes croissantes d’admission dans nos écoles et nos lycées, à Lisbonne comme à Porto. S’ajoutent à cela des projets d’ouverture de nouveaux établissements français, du côté de Faro en Algarve ou dans le grand Lisbonne, Cascais, Estoril ou même Braga, pour répondre à l’arrivée de compatriotes plutôt jeunes. Nombre d’entre eux ont des profils d’entrepreneurs, étaient déjà expatriés en dehors de l’Europe et souhaitaient se rapprocher de la France. Certains n’ont aucun lien familial avec le Portugal, mais sont attirés par la qualité de vie et les opportunités professionnelles. Ces
chiffres sont à dissocier des trois millions de touristes français qui visitent le Portugal chaque année.

« Dans tous les postes que j 'ai occupés, j 'ai mis un point d 'honneur à apprendre la langue du pays, afin d'être autonome, en mesure de lire la presse, d 'écouter les informations, et de comprendre ce que les gens disent. »

Quel était votre premier objectif

Ma première décision a été d’acquérir une bonne maîtrise de la langue portugaise pour pouvoir travailler efficacement. Je suis partie du principe que tout le monde ne parlait pas français, même si parmi mes interlocuteurs officiels, culturels, ou dans le monde des affaires, la compréhension de notre langue est assez répandue. Dans tous les postes que j’ai occupés, j’ai mis un point d’honneur à apprendre la langue du pays, afin d’être autonome, en mesure de lire la presse, d’écouter les informations, et de comprendre ce que les gens disent. La langue portugaise, comme la langue française, est une langue riche, une langue Monde. C’est une chance d’avoir pu l’apprendre grâce à ce poste.

© Ambassade de France au Portugal

Comment avez-vous procédé pour apprendre le portugais ?

La mobilité professionnelle étant au cœur de nos parcours de diplomates, le quai d’Orsay nous propose, dès la nomination dans un pays, de bénéficier de cours de langue au ministère, en individuel ou en groupe. J’ai donc pris quelques leçons avant d’arriver puis j’ai poursuivi avec une professeure portugaise, à l’Ambassade. L’ensemble des agents expatriés de l’ambassade a la possibilité de prendre des cours, nous avons un budget à cet effet. Je propose toujours à mes interlocuteurs, dans les rendez-vous officiels, que chacun parle sa langue maternelle. C’est
efficace, respectueux de la diversité linguistique européenne et plus confortable pour chacun de nous.

Quelle place occupent les femmes aujourd'hui dans la diplo - matie française ?

Nous sommes encore loin de la parité, même si beaucoup d’avancées ont été réalisées. J’ai 30 ans d’ancienneté en diplomatie et j’ai vraiment constaté, ces quinze dernières années, une prise de conscience, tant au Quai d’Orsay que dans l’administration française ou dans le secteur privé. Aujourd’hui, sur les quelques 200 ambassadeurs en poste, il y a environ 30 % de femmes. En 2012, nous étions 12 % de femmes ambassadrices et moins de 10 % de femmes directrices ou directrices générales au Quai d’Orsay, mais c’était alors le cas dans l’ensemble de la société française. Pour dépasser le barème des 30 %, il va falloir du temps, mais la dynamique est là et je suis optimiste. Il faut encourager les jeunes femmes à choisir des carrières diplomatiques.

Une vie diplomatique a aussi des conséquences sur la sphère privée…

Ce sont souvent les principaux obstacles. Comment concilier une vie de couple, une vie de famille, avec des enfants, en déménageant tous les trois à quatre ans, dans des pays non choisis à l’avance, tout en alternant entre la France et l’étranger. On ne parle pas vraiment de plan de carrière au Quai d’Orsay ! Il faut se décider rapidement pour une destination, rien n’est planifiable. J’ai toujours considéré cet imprévu comme une opportunité. Je suis venue au Portugal sans ma famille, je suis dans notre jargon « en célibat géographique » et mon mari est ambassadeur européen, mais dans un autre pays.

© Ricardo Lopes

Comment avez-vous fait pour élever vos enfants ?

Dans notre première partie de carrière, mon mari et moi avons réussi à avoir des doubles postes ou à alterner. Nous sommes arrivés à être en même temps en France, en même temps à l’étranger. Devenus ambassadeurs, ce n’est plus possible, puisqu’il n’y a qu’un poste par pays.
Les enfants ont été scolarisés au gré de nos affectations dans  le réseau des écoles et lycées français. Ils ont eu une continuité d’enseignement. Aujourd’hui, ils sont grands, mais le Portugal est tellement attractif que je n’ai aucun mal à faire venir toute la famille pour les week-ends ou les vacances.

La diplomatie était un rêve d'enfance ?

J’ai eu ma période journaliste, ma période avocate, mais j’aimais les langues étrangères et j’avais en moi l’envie de servir mon pays. Si bien que la carrière diplomatique s’est très vite imposée. Elle correspondait à mes valeurs et à mes envies. S’ajoutent à cela, le rêve de voyages, la rencontre avec d’autres cultures, le refus d’un mode de vie sédentaire, sans me rendre compte à l’époque des sacrifices que cela impliquerait et heureusement ! Trente ans après, je me dis que j’ai une chance énorme de continuer à faire un métier qui me plaît.

© Ambassade de France au Portugal

« ...j'aimais les langues étrangères et j'avais en moi l'envie de servir mon pays. Si bien que la carrière diplomatique s'est très vite imposée. Elle correspondait à mes valeurs et à mes envies.»

Où avez-vous passé votre enfance ?

Je suis née à Lille, j’ai grandi dans le nord de la France, à la campagne avec des parents qui exerçaient des professions sans rapport avec la diplomatie. Bonne élève, j’ai poursuivi mes études à Paris, tout en conservant de fortes attaches familiales et affectives avec les Hauts-de-France et en particulier la ville de Lille qui a su se réinventer, tout en conservant l’accueil chaleureux des gens du Nord. Je suis très fière de mes origines nordistes, j’aime la nourriture et les paysages de cette région. Des caractéristiques familières que j’ai en partie retrouvées quand j’étais en poste en Belgique.

Après Lisbonne, quelle destination vous plairait ?

J’ai fait des études de russe et je suis entrée au Quai d’Orsay par le concours d’Orient. Les hasards des affectations font que je n’ai pas encore servi dans un pays russophone. Être un jour ambassadrice en Russie, serait certainement un accomplissement, mais la période actuelle n’est pas la plus simple et la plus propice. J’aime la langue et la littérature russes. Anna Karénine de Léon Tolstoï est l’un des romans qui m’accompagnent depuis longtemps.

Combien de langues parlez-vous ?

L’allemand a été, scolairement, ma première langue étrangère, l’anglais, qui est incontournable, le russe, puis dans les postes que j’ai occupés, j’ai acquis d’assez bonnes notions de grec moderne, j’ai appris le néerlandais en Belgique et puis le portugais que je pratique depuis deux ans. Au Portugal, j’ai découvert l’incroyable diversité de paysages, la lumière de Lisbonne qui ne cesse de m’émerveiller. Seul petit regret, moi qui suis une amoureuse du voyage en train, je regrette le faible développement du réseau ferroviaire au Portugal.

• PROPOS RECUEILLIS PAR YETTY HAGENDORF

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