Niché dans l’Association navale de Lisbonne, le restaurant Bonança a ouvert ses portes en mars 2025, ressuscitant le bâtiment historique avec élégance et poésie. Porté par Salvador Sobral et Émilie Murguet, le lieu mêle à la fois mémoire maritime, et invitation au voyage culinaire. Mais malgré ses airs discrets, ne vous y trompez pas : le Bonança entend bien devenir une escale incontournable de la vie culturelle de Belém.

En portugais, la « bonança » désigne un temps calme et une mer apaisée, propice à la navigation après une période de fortes agitations. Une image qui résume à merveille le long périple de Salvador Sobral et Émilie Murguet, couple d’entrepreneurs, pour ramener à la vie le bâtiment historique de l’Association navale de Lisbonne.
L’objectif ? En faire un restaurant d’exception au cœur des docks de Belém.
« Le Bonança a ouvert ses portes en mars, après trois années de travaux. Lorsque nous avons visité le bâtiment pour la premiè
re fois en 2021, il se trouvait dans un piteux état. Nous étions donc très enthousiastes à l’idée de pouvoir le restaurer et le transformer en un lieu unique », nous explique Salvador Sobral sur la terrasse, le coucher de soleil sur le Tage en toile de fond.
Situé à deux cents mètres du fameux « Monument aux Découvertes », l’immeuble de l’Association navale de Lisbonne a vu le jour en 1940, à l’occasion de l’exposition universelle du « monde portugais ». À l’époque, le régime totalitaire de l’Estado Novo (État nouveau) entend montrer aux yeux de tous la grandeur de l’empire portugais, et fait ériger à Belém une série d’ouvrages à la gloire des anciens navigateurs et des expéditions maritimes.
Ode aux navigateurs
À peine le seuil de la porte franchi, une gigantesque fresque murale nous raconte ainsi un épisode emblématique de l’épopée du Portugal : le voyage diplomatique, en 1514, du roi Dom Manuel Ier à Rome, pour rencontrer le pape Léon X. L’ambassade amène avec elle des produits orientaux, des espèces rares, telles qu’un jaguar, des chevaux arabes, mais surtout un éléphant, animal quasiment inconnu à l’époque en Europe, et que le royaume portugais allait offrir en présent au souverain pontife.
La peinture enveloppe une salle feutrée d’une cinquantaine de couverts. La décoration, signée par le cabinet d’architecte Oani Studio, a été pensée dans les moindres détails. « Nous voulions parvenir à une atmosphère confortable et raffinée, tout en gardant l’identité du lieu, et en jouant sur cette idée du voyage, que l’on retrouve jusque dans les matériaux », résume Émilie Murguet. À l’étage, une grande baie vitrée offre un point de vue époustouflant sur le port de Belém. Un salon cosy invite aussi à une pause près d’une cheminée. Les références au monde nautique sont omniprésentes : portraits d’explorateurs, maquette de caravelles, instruments de navigation…
Le calme et la tempête
Obtenir ce résultat a demandé un peu de patience : « trois années, précisément. Exactement comme le voyage de Vasco da Gama jusqu’en Inde… », plaisante Salvador Sobral. Il a fallu faire avec les contraintes de la classification du bâtiment et celles du port de Lisbonne, mais aussi trouver un équilibre avec les activités de l’Association navale, qui y maintient ses bureaux de manière permanente. Fondée en 1856 par le roi Dom Pedro V, cette vénérable institution est le plus vieux club nautique de la péninsule Ibérique.
Aux fourneaux, le chef Pedro Lima a concocté une carte fusionnant des classiques de la gastronomie portugaise – en faisant la part belle aux produits de la mer – avec quelques touches subtiles issues des cuisines indienne, moyen-orientale ou encore africaine. Mention spéciale au arroz de carabineiro (riz aux gambons écarlates, crevettes rouges des grands fonds), le plat signature de la maison.
Aujourd’hui, le restaurant vit au rythme de l’ambiance bon enfant du port en journée, et d’une programmation plus animée le week-end et en soirée. « Nous souhaitons en faire un espace d’échanges et avons en tête un agenda culturel riche, composé d’expositions d’art, de rencontres littéraires ou de concerts au coucher du soleil. » Le programme complet est encore tenu secret, mais il devrait être dévoilé très prochainement. Alors, patience…
Kenza Soares El Sayed






