Le Portugal a longtemps attiré les expatriés grâce à une fiscalité avantageuse, mais le cadre a évolué avec la fin du RNH et l’arrivée du nouveau régime IFICI. Le pays reste-t-il intéressant sur le plan fiscal ? Quels avantages subsistent pour les actifs, entrepreneurs ou investisseurs étrangers ? Le Lisboète fait le point sur les règles essentielles à connaître avant de s’installer au Portugal.
RNH : le Portugal est-il toujours attractif fiscalement ?
« Un eldorado pour les seniors ; l’idylle fiscale des retraités » : c’est ainsi que la presse française décrivait, il y a encore quelques années, le Portugal, en référence aux mesures avantageuses prises pour attirer les investisseurs étrangers, après la crise de 2008. Le plus célèbre de ces dispositifs, le régime de résident non habituel (RNH), aurait contribué à attirer en une quinzaine d’années entre 50 000 et 60 000 expatriés, bénéficiant de réductions d’impôts. Valable dix ans, il offrait aux actifs étrangers un taux fixe d’imposition sur le revenu de 20 % (un atout, au regard des barèmes français et portugais), et une exonération d’impôts pour les retraités, jusqu’en 2020.
Fin 2023, le gouvernement d’António Costa a supprimé ces avantages, estimant que la bonne santé économique du pays ne justifiait plus de maintenir un statut différencié. Quelles orientations fiscales prend aujourd’hui le Portugal ? Son système d’imposition est-il toujours avantageux pour les expatriés qui s’y installent ?
IFICI : un nouveau statut difficile à obtenir
Si les avantages fiscaux pour les résidents non habituels n’ont pas tout à fait disparu, prétendre à ce statut est devenu complexe. Modifié en 2024, et rebaptisé IFICI (pour Incitation Fiscale à l’Innovation), ce « RNH 2.0 » ne concerne plus les retraités et cherche à attirer en priorité les professionnels hautement qualifiés. La liste (restreinte) des fonctions éligibles est disponible sur le site des Finanças, l’autorité fiscale portugaise. Elle comprend, entre autres, les dirigeants d’entreprises, enseignants, chercheurs, médecins, artistes, startupers et certains ouvriers qualifiés.
« Le nouveau statut de RNH est d’autant plus difficile à obtenir qu’il ne suffit pas simplement d’en faire la demande, il faudra être en mesure, si le fisc le demande, de fournir des justificatifs attestant de revenus liés aux professions mentionnées (bulletins de salaire, diplômes, contrat de travail, etc.) », explique Cátia Neves Tavares, avocate spécialisée dans l’accompagnement de nouveaux résidents au Portugal. Pour Georges-David Benayoun, spécialiste en droit fiscal basé à Paris, ces nouvelles modalités « ne constituent plus un avantage fiscal à part entière pour le Portugal, en comparaison aux autres pays européens ».
Un barème d’imposition souvent défavorable
Faute d’obtention du RNH 2.0, un expatrié qui devient résident fiscal au Portugal sera donc imposable aux taux standards – souvent défavorables, par rapport au barème français. « Il faut bien comprendre que l’impôt sur le revenu est plus important dans beaucoup de cas au Portugal. Un salarié ou un retraité qui a un revenu moyen en France risque de basculer dans une tranche d’imposition plus importante au Portugal », remarque Georges-David Benayoun. « J’ai beaucoup de clients qui sont imposés à 10 ou 15 % en France, qui le seraient à 20 % ici », atteste de son côté Cátia Neves Tavares. Des avantages fiscaux existent néanmoins pour les moins de 35 ans, qui peuvent bénéficier d’une exonération partielle ou totale de l’impôt sur le revenu, pendant dix ans.
Des mesures subsistent pour les entrepreneurs et investisseurs
Pour certains actifs, les mesures fiscales appliquées aux entrepreneurs pourraient néanmoins rééquilibrer la balance. L’impôt portugais sur les sociétés (appelé IRC), au taux de 21 %, est en effet moins élevé qu’en France (25 %). Les petites et moyennes entreprises (PME) bénéficient également d’un taux réduit de 17 % sur les premiers 50 000 € de bénéfice.
« Monter son entreprise peut s’avérer avantageux. À ce sujet, il faudra réfléchir au type de comptabilité le plus approprié, conseille Cátia Neves Tavares. Le modèle de comptabilité organisée permet de déduire fiscalement les frais réellement engendrés par l’entreprise, mais il nécessitera les services d’un expert-comptable. Le modèle de comptabilité simplifié, quant à lui, fixe automatiquement ces coûts à 15 %. »
Pour les auto entrepreneurs, le régime des recibos verdes est le plus adéquat. Les indépendants qui inscrivent leurs activités auprès des Finanças sont, en effet, exemptés du paiement de la Sécurité sociale (21,4 %) la première année. En dessous de 14 500 € de revenus annuels, ils sont par ailleurs exemptés du paiement de la TVA.
Avant de déménager ses activités, il convient de se poser la question de l’exit tax (l’imposition des plus-values latentes lors du transfert du domicile fiscal à l’étranger). Cet impôt est demandé par la France aux contribuables qui détiennent soit 50 % d’une société, soit, sont actionnaires d’une entreprise dont la valeur excède 800 000 €.
Enfin, sachez que si vous réalisez des investissements en cryptomonnaies, le Portugal bénéficie d’une fiscalité intéressante. Toute vente d’actif détenu depuis plus d’un an est exonérée d’impôts (contrairement à la France, où ces plus-values sont soumises à un prélèvement forfaitaire unique de 30 %). Les intérêts et dividendes sont, quant à eux, imposés à 28 %.
Quoi qu’il en soit, n’oubliez pas que la fiscalité ne doit pas être le moteur de l’expatriation : « Je vois beaucoup de gens qui continuent à s’installer au Portugal – sachant qu’ils seront peut-être perdants –, car ils y ont des attaches, aiment le cadre ou la qualité de vie », rappelle Georges-David Benayoun. Faites donc bien vos calculs.
Kenza Soares El Sayed





