Ouverte depuis quelques mois, à l’initiative de deux quinquagénaires aventuriers, Lully 1661 à Anjos ne désemplit pas.
Flans onctueux, pains rustiques à la mie dense, croissants croustillants, plus qu’une boutique, voici un véritable laboratoire d’expériences.
Avant tout, ils sont amis de longue date. L’opportunité de fonctionner en binôme a surgi au Portugal. Yann Lombard-Platet et Alain Savouré ont tous deux vécu et travaillé longtemps en Chine. Le premier, plus affable, veille sur le marketing de Lully 1661. Il navigue entre Lisbonne et Shangaï où il vit avec sa femme chinoise. Le second, plus discret, gère toutes les opérations sur place. Après une escale de quelques années à Londres, il s’est établi dans la capitale portugaise, pour mener à terme le projet, accompagné par des chefs boulangers et pâtissiers français. Leur objectif : apporter la qualité et la tradition artisanale française dans un pays en pleine effervescence.
Habitués à façonner leur propre destin et à écouter leurs intuitions, se basant sur leur savoir‑faire acquis en Chine à la fin des années 2000, une époque au dynamisme comparable à celui qui envahit l’économie portugaise aujourd’hui, les deux compères ont d’abord ouvert un fournil et un laboratoire de saveurs à Beato, plutôt que d’entreprendre une longue étude de marché. Sans faire de bruit, sans publicité, ils ont attiré, puis fidélisé les curieux du quartier qui ont découvert le Paillard – une belle miche de plus de quatre kilos nécessitant deux jours de préparation – et les baguettes massées à la main. Depuis l’ouverture de la boutique d’Anjos et avant l’inauguration de nouveaux points de vente, le laboratoire de Beato est devenu le centre de production des préparations sucrées comme salées. Il a fallu investir plusieurs centaines de milliers d’euros dans la rénovation des lieux et l’équipement, faire face à la lenteur et à la mauvaise coordination administratives, et surtout sélectionner les bons fournisseurs. La majorité des ingrédients, le beurre (principalement pour le tourage) et la farine bio viennent de France, les fruits, en revanche, sont achetés sur place. « Le Portugal importe encore actuellement 80 % de ses céréales », explique Yann, rappelant que la tradition du levain dans le pays a été saccagée par la dictature et les usines de pain industriel. Chez Lully 1661, le croissant coûte 2 € et la baguette 1,80 €. Un prix plus élevé qu’en France en raison d’une TVA portugaise à 23 % contre 5,5 % dans l’hexagone. Il est désormais loin le temps où Alain dirigeait une société d’outillage électrique et où Yann, après avoir travaillé pour Danone en Asie, avait créé, en Chine, son entreprise d’Internet. Reste à savoir pourquoi leur enseigne porte le nom d’un musicien du Roi‑Soleil. Peut‑être parce que le père de l’artiste du XIIIe siècle était meunier et qu’il est considéré comme le pionnier de la musique baroque ? Une audace créative qui n’a pas échappé au duo d’entrepreneurs.
• YETTY HAGENDORF